FOIRE DE CHALONS - AGRICULTURE 2020, LES RAISONS D'ÊTRE OPTIMISTE
L’agriculture à l’échéance 2020 devrait être plus globale tant au niveau de l’économie que de l’agronomie. Trois grands témoins ont ouvert des perspectives encourageantes lors d’un débat organisé par le Crédit Agricole du Nord Est et la FDSEA de la Marne.
Comme elles le font chaque année à l’occasion de la Foire de Châlons, les deux OPA, FDSEA 51 et Crédit Agricole du Nord Est ouvrent le débat de la place et de l’avenir de l’agriculture. Cette année, la Présidente de l’INRA Marion GUILLOU, la Vice Présidente de la FNSEA, Christiane LAMBERT et Dominique DUTARTRE Directeur Adjoint de Champagne Céréales étaient invités à témoigner sur l’agriculture à l’échéance 2020.
Un milliard d’affamés et 800 millions d’obèses
Marion GUILLOU rappelle que la planète a largement les moyens d’alimenter l’humanité. Globalement nous disposons des 3000 calories nécessaires par habitant et par jour. C’est la répartition et la gestion de ce potentiel alimentaire qui posent problème. 30 à 40% sont ainsi gaspillés dans les pays riches où il y a par ailleurs 800 millions d’obèses, et à peu près le même pourcentage dans les pays en voie de développement, notamment à cause du stockage. Par ailleurs la famine, qui touche 1 milliard d’habitants, a le plus souvent des origines politico-économiques. La population mondiale semble se développer plus vite que prévu et on va rapidement dépasser les 9 milliards d’habitants avec, en plus, une transition alimentaire rapide qui demande davantage de carbone d’origine végétale (consommation de viande en Asie). Le contexte est donc porteur, en terme de besoins alimentaires, pour l’agriculture mais celle-ci devra aussi gérer les risques sanitaires, climatiques et économiques.
Christiane LAMBERT attire l’attention sur la nécessité de ne pas gaspiller les terres agricoles et cite l’exemple de la Chine qui dispose de 7 % de sols agricoles pour 22% de la population mondiale. Elle estime que nous avons atteint un point bas avec la matière première agricole bon marché. La représentante de la FNSEA demande que ce contexte porteur profite aux agriculteurs. Elle constate que l’OMC est déconnectée de la réalité et que son Président, Pascal Lamy, doit en quelque sorte faire sa révolution culturelle pour reconsidérer l’organisation des marchés agricoles. D’ailleurs, même sans accord à l’OMC, les échanges mondiaux ont augmenté de 10 %. Il serait souhaitable que les règles soient organisées par grands ensembles régionaux, avec une certaine contractualisation, pour sécuriser l’approvisionnement et les prix.
Pour Dominique DUTARTRE, la matière première agricole est une denrée élaborée. Elle est le fruit d’un travail, d’investissements et d’une longue recherche. Elle est de plus renouvelable, ce qui devrait lui donner une valeur autre que résiduelle, comme c’est malheureusement le cas depuis quelques années.
Quelle politique en 2020 ?
A la question de savoir s’il y aura encore une PAC en 2020, chaque témoin répond qu’évidemment l’Europe conservera une politique agricole au même titre que les Etats-Unis ou le Brésil. Ce ne sera vraisemblablement plus la même qu’aujourd’hui et Christiane LAMBERT rappelle la position de la FNSEA qui souhaite des réponses à cinq niveaux :
1) La maitrise de la production,
2) La transparence de l’information sur les volumes et les stocks. Or l’Inde et la Chine sont actuellement très récalcitrants
3) La gouvernance mondiale avec la nécessité de satisfaire les besoins alimentaires de l’humanité
4) La régulation notamment par des dispositifs d’assurance et de stockage
5) La supervision des transactions mondiales pour éviter les mouvements spéculatifs.
La réflexion lancée sur ces cinq thèmes, à l’occasion du G 120, puis du G 20 doit être poursuivie pour établir un nouvel ordre mondial.
La Présidente de l’INRA fait part des réflexions de son Institution qui sont axées sur la recherche de la stabilité des marchés et la valorisation de «biens publics» au-delà de la production alimentaire (ex : gaz à effet de serre, eau, qualité des sols). Concrètement cette rémunération pourrait consister à entrer dans le marché carbone. Enfin, l’INRA axe évidemment sa recherche sur l’innovation car ces attentes ne pourront être satisfaites que par un haut niveau technique.
Vers une approche plus globale en agronomi
L’agriculture de 2020 devrait être plus autonome et écologiquement intensive. Cela passe par la sélection génomique et l’amélioration des pratiques culturales et d’assolement. Cet avis est partagé par D. Dutartre, qui considère que l’agriculture doit réduire sa consommation d’azote minérale. Il cite en exemple la culture de la betterave pour laquelle l’apport d’azote a été pratiquement divisé par deux avec une production en hausse.
Les légumineuses peuvent apporter une contribution précieuse à cette réduction d’azote. Le mélange de céréales peut aussi retrouver son intérêt. L’INRA continue ainsi de faire des recherches sur le pois, bien que le marché de la semence soit encore limité.
L’avenir de la luzerne
La fixation de l’azote par les légumineuses est un atout insuffisamment exploité. Il est nécessaire de développer cette culture qui a en quelque sorte été condamnée par l’ancienne PAC et qui continue d’être mal traitée par la réglementation environnementale particulièrement la directive nitrates. Bien entendu, cet intérêt ne se limite pas à la luzerne déshydratée mais s’étend aussi à la luzerne foin ou «brins longs».
Bio ou conventionnel
Aucun des trois intervenants ne s’est prononcé sur ce choix considérant que les deux types d’agriculture avaient leur place dans des créneaux différents. Le «bio» pour limiter l’utilisation des phytosanitaires dans des zones préservées ou peu productives et le «conventionnel» pour apporter les volumes demandés par le marché tant au niveau des besoins alimentaires qu’industriels. La représentante de l’INRA considère toutefois que la production conventionnelle est globalement plus performante au plan énergétique dans certaines productions.
Vers une économie circulaire
L’activité agricole ne devra pas seulement satisfaire des volumes mais aussi d’autres attentes de la société qui cherchera à évaluer la performance en matière environnementale. L’INRA a longtemps focalisé ses recherches sur le «haut» de la plante. L’Institution travaille désormais davantage sur ce qui se passe sous la terre tant au niveau des racines, de la micro biologie, que des résidus ou la structure du sol. Marion GUILLOU résume ce raisonnement global sous le terme «d’économie circulaire» dans laquelle l’exploitation agricole constitue un «tout» économique et environnemental. Dominique DUTARTRE estime que la recherche doit continuer de jouer un rôle fondamental et, pour ce faire, la coopération agricole constitue une force de frappe qui a largement fait ses preuves avec le développement de toute l’agro industrie. Le pilote «futurol» qui doit permettre l’émergence de bio carburant de deuxième génération en est une nouvelle démonstration. Christiane LAMBERT rappelle la nécessité de communiquer avec le grand public qui s’est peu à peu éloigné de la production agricole par l’effet de l’urbanisation et de l’interposition des GMS. Ces derniers dénaturent et dévalorisent les produits agricoles pour satisfaire une démarche marketing racoleuse. Elle cite le cas de l’enseigne AUCHAN qui proposait récemment deux poulets gratuits pour 3 achetés ou encore CARREFOUR 6 litres de lait gratuit pour 50 € de fournitures scolaires, provenant évidemment de Pays à faible coût de main d’œuvre et aux conditions de production discutable !
En conclusion, les trois intervenants ont rappelé la nécessité de renforcer la communication «métier» car l’agriculture ne peut compter que sur elle-même pour se défendre et innover, ce qui n’est pas nouveau !
Ils ont dit :